[ABANDONNE] FLASHBACK - Friendship (Nephtys et Systélion)

Le vent faisait danser les flocons de neige tout autour du loup, l'empêchant de voir clairement où il mettait les pattes. On pouvait facilement le suivre à la trace, avec les petits sillons qui marquaient la neige et suivaient sa progression.
Systélion, les crocs fermement enfoncés dans la gorge d'un daim famélique, avançait lentement vers le camp. Cela faisait presque deux jours qu'il était sorti, à la recherche du moindre animal pour remplir la réserve de gibier. Sa proie n'était pas très dodue, mais c'était tout ce qu'il avait pu croiser. Ses yeux virent enfin l'entrée du camp, et le canidé accéléra le pas comme il put. La bête morte gênait sa progression, et l'obligeait à marcher de manière très peu naturelle. Son ombre s'étala sur les grands rochers glacés, et enfin il fut à l'abri des bourrasques.
Haletant et le corps fatigué, il tira encore un peu son trophée vers la pile de gibier, qui était malheureusement très peu remplie. Il lâcha le daim, et s'allongea aussitôt, le flanc se soulevant rapidement. Le temps de récupérer, le loup observa le camp comme à son habitude. Il y avait peu de canidés, à croire qu'ils étaient de sortie ou endormis au fond des tanières. Puis une odeur plus familière que les autres lui fit dresser la tête. Nephtys était dans les parages, et cette idée ne déplut pas à l'assassin.

- Systélion !

Effectivement, Nephtys n'était pas loin. Toujours affalé dans la poudreuse, le loup releva la tête vers l'origine du cri, pour apercevoir la louve grise arriver vers lui. Il était content de la voir enfin sortir de sa tanière. Depuis plusieurs jours elle était introuvable dans le camp ou à l'extérieur, enfermé dans l'abri de branches. Il n'avait pas osé aller la voir, de peur de la déranger, ou bien de dire des choses maladroites. Alors il avait préféré observer de loin attendant avec un début d'impatience qu'elle décide de revenir parmi eux. L'assassin, durant sa sortie de chasse, avait espéré lui donner envie de le rejoindre avec une bonne pièce de viande. Et visiblement, cela l'avait motivé pour apparaître enfin.
Il entendit la femelle lui parler de sa fameuse chasse. Pour être épuisante, elle l'avait été oui. Mais le résultat l'avait amplement mérité.

- Tu m'as laissé seul avec tout ces demeurés. J'ai cru devenir folle ! La prochaine fois, je viendrai chasser avec toi Sys'.

Un petit ricanement lui échappa lorsque Nephtys lui murmura ces mots. Elle était toujours aussi directe, ce qui plaisait au loup. Avec elle, il ne s'embêtait pas avec des futilités qu'il jugeait inutile, et des paroles idiotes pour ne rien dire. La femelle acceptait étrangement bien son sale caractère, tout comme son comportement parfois bourru. Sa compagnie le changeait, et sa solitude lui semblait moins lourde.
Nephtys lui offrait même un petit surnom, chose que personne n'avait fait depuis la mort de sa soeur. Peut-être parce qu'il n'avait pas cherché à aller vers des autres pour devenir proches à ce point. Mais ce petit détail lui faisait du bien au final.

- Je t'aurais bien proposé, mais t'étais introuvable dans le camp. Et puis je ne suis pas sûr d'être capable de te supporter deux jours entiers, finit-il avec un rictus en coin.

Il l'observa s'asseoir près de lui, et lorgner de près la proie qu'il venait de ramener. Ce daim n'allait pas faire long feu, ça c'était une chose certaine. Elle arracha un morceau pour le dévorer, mais elle se ravisa au dernier moment.

- Tu veux partager ?

Systélion voyait bien que Nephtys se retenait presque de sauter sur la viande, et décida de ne pas plus la faire attendre.

- Non, je te le laisse, j'ai mangé un piaf à moitié gelé en rentrant.

L'assassin se trouva une position plus confortable, mais resta tout de même allongé. Il sentait son ventre ne pas être totalement plein, mais cela faisait bien longtemps qu'il ne mangeait plus jusqu'à plus faim. Vu le nombre de proies, il ne pouvait pas se le permettre. Alors le corbeau qu'il avait surpris entre deux branches allait bien lui suffire jusqu'au lendemain.

A peine le loup eut-il décliné la proposition de la femelle, que cette dernière avait déjà les crocs plantés dans la proie. L'assassin ne dit rien, se contentant de poser sa tête sur ses pattes et de l'observer manger. Elle semblait vraiment affamée, et n'eut pas besoin de longtemps pour que la patte de l'herbivore diminue jusqu'à n'être qu'un pauvre tas d'os.
Il était content de voir que sa chasse permettait à son amie d'avoir le ventre plein. Elle n'allait sûrement pas pouvoir manger un repas aussi copieux tout de suite. Même avec de la motivation et de l'endurance, chasser devenait de plus en plus compliqué ici. Les proies se faisaient rares, et fuyaient l'hiver du territoire, ce que Systélion pouvait amplement comprendre. Lui aussi donnerait n'importe quoi pour quitter cette neige et ce froid constant.

- Rien de nouveau dans le coin ?

Avant de répondre, le loup se releva dans une position assisse, sentant le froid s'insinuer dans sa fourrure malgré son épaisseur. Il frissonna un instant, et s'ébroua dans l'espoir de garder un peu plus de chaleur. Puis, il secoua négativement la tête, avant de se souvenir que son amie ne pouvait pas le voir. Un rictus passa sur ses lèvres face à cet oubli. Peu importe le temps qu'il passait avec elle, ce genre d'habitude ne le quittait pas.

- J'aimerai bien te dire que j'ai vu de supers trucs pendant ma chasse, mais non, toujours rien. Toujours ce foutu dôme au dessus de la tête, toujours des proies maigres, toujours de la neige, de la neige et de la neige, soupira-t-il. J'ai même longé un peu le dôme, en espérant croiser quelqu'un de l'autre côté je suppose, mais il n'y avait personne. J'ai vraiment l'impression qu'on est seuls au monde parfois.

Ce quotidien l'épuisait, tout comme il semblait épuiser Nephtys. Il aimait sa meute, là n'était pas la question, mais ce territoire et surtout cette neige lui sortait par les yeux. Il ne tenait plus, il voulait voir de nouvelles choses, découvrir d'autres territoires, et fuir cet ennui permanent.