[ABANDONNE] [LIBRE] Bon Appétit

Jaa, lascif, était étendu sur un rocher pâle un peu plus exposé que les autres à la lumière du soleil. Oh, il n'était pas bien loin des tanières, cependant juste assez reculé pour ne pas avoir à endurer le fourmillement incessant des guerriers qui allaient et venaient sans cesse.
Son corps, souple, sinueux et reptilien, roula sans effort sur le côté pour présenter son flanc droit aux rayons tièdes, maigres réconforts qui réchauffaient sa fourrure sombre. Certes, ce n'était pas le lourd et délicieux cagnard auquel on l'avait habitué depuis sa plus tendre enfance; mais c'était mieux que de se terrer dans son nid obscur, dans cette ambiance moite où flottaient les relents âcres de dizaines et de dizaines de loups ensommeillés. Ah, le Sud... ses chères terres lui manquaient de plus en plus.
Non, bien sûr, pas question de retourner tout à fait chez lui. Mais un petit désert, quelques rocheuses brûlantes, une plaine d'herbe craquante et dorée, Dieu, quel bonheur c'eut été.
Il lâcha un soupir et s'étira un peu plus sur sa pierre, toujours allongé, le ventre désormais offert au pâle ciel bleu du Nord. Les yeux mis clos, sa pensée erra mollement dans ses souvenirs.
Halla, tiens. Sacré bout de temps... Mais aussitôt, l'image d'une petite louve qui lui ressemblait étrangement lui apparut, image qu'il s'empressa de chasser d'un revers imaginaire de la patte, agacé. Un autre visage, à la place, s'imposa à son esprit. Un visage fin et noirs, quelques mèches d'une teinte étonnante qui soulignait la couleur des yeux... Voilà qui était mieux.
Le noble Anjaa aurait volontiers conversé avec la gente Moon, à l'instant présent, cette demoiselle était d'une compagnie tout à fait charmante.
Se tournant de nouveau gracieusement sur le flanc, il attrapa du bout des dents son déjeuner qui consistait en un grand lièvre maigrelet, volé quelques heures plus tôt dans la réserve. Le grand mâle noir et turquoise coinça agilement l'animal entre ses deux pattes avant et, sans plus tarder, attaqua son repas.
Goûtant avec délice aux petits os rougis qui craquaient sous ses mâchoires, il ne s'attendait certainement pas à être interrompu pendant qu'il dégustait "sa" proie.

Invité

J'avais besoin de me dégourdir les jambes. Les jours au nord semblaient ne jamais passer, et la neige ne s'arrêtait jamais de tomber, encore et encore. Il faisait froid. Depuis combien de temps on était là ? Quelques jours, peut-être une semaine. Les alphas et loups importants organisaient les combats. J'avais presque hâte que l'ennemi inconnu du sud nous attaque, pour en finir vite. Si j'en revenais. Même si il neigeait tous les hivers ou presque chez nous, je n'étais pas habituée à autant de neige au même endroit, et il était facile de glisser et tomber dès qu'on prenait un peu trop de vitesse. J'en avait fait les frais, voulant pourchasser un petit lièvre blanc, j'avais glissé et m'étais étalée de tout mon long dans la poudreuse, laissant échapper ma proie.
En plus, je devais dormir avec Jaa. J'aurais très bien pu partir, c'est vrai, mais impossible de trouver plus de mousse. les autres avaient tout pris et je me retrouvais sans lit. Jaa en avait pris bien assez pour deux, c'est bien ce qui m'avait attiré dans son lit quand il n'y était pas, probablement occupé à parler à une nordienne. Je savais que Jaa était un séducteur, ça se voyait dans son comportement, et puis, il y avait quelques petits qui lui ressemblait beaucoup dans la meute et je les soupçonnaient sérieusement d'avoir quelque chose en commun avec lui. Par exemple, une partie de leur génétique.

Je m'étais éloignée du lit que je partageait donc avec Jaa. J'étais montée un peu en hauteur, d'ici je pouvais voir une grande partie du campement. Les loups semblaient toujours s'activer, comme si rien n'étais jamais prêt. Que pouvaient-ils avoir de si important à faire ? Les lits étaient faits, les nordiens qui nous regardaient d'un air curieux les premiers jours nous avaient laissé en paix maintenant. A part manger et dormir, on n'avait pas grand chose à faire.

Il était temps de redescendre jusqu'au camp. Est-ce que j'osais ? Et pourquoi pas ? Je me met dans la pente, et commence à glisser. La sensation du vent froid dans ma fourrure est agréable, et glisser est un moyen rapide et non épuisant de se déplacer. M'approchant d'une pierre, je vit un loup couché dessus et je ralenti alors pour ne pas l'arroser de neige. Trottinant pour dépasser la pierre et continuer à glisser un peu jusqu'en bas, je me dit que je devais avoir une malédiction ou quelque chose comme ça pour le croiser partout. C'était encore lui, Jaa, avec un lièvre dans la gueule. il l'avait surement pris dans le tas de gibier au campement. Après tout, ce n'était pas mon problème, c'était Blod qui avait quelque chose contre les solitaires qui se nourrissent. J'ai donc décidé d'aller le saluer, enfin c'était pas comme si on passait toutes nos nuits ici ensemble...

- Encore toi, à ce que je voit tu arrive à tirer profit de la situation.

il n'avait pas du tout l'air préoccupé par quoi que ce soit, détaché, solitaire, libre. Juste calmement couché sur un rocher avec un lièvre, observant le monde bouger. Comme si rien ne se préparais, que rien n'avait d'importance, que rien n'allait changer dans les jours à venir.

Jaa, le museau légèrement teinté d'hémoglobine, arracha un nouveau lambeau de chair du petit animal, donna un ou deux coups de crocs dedans et avala, explorant avec délice les saveurs que laissait sur son palais cette chair fondante et roide. Son regard sonda les alentours, impassible.
Partiellement allongé sur le flanc, la nuque droite, le port altier, il ressemblait davantage à un sphinx qu'à un loup, avec sa longue queue étendue en arc de cercle sur la roche. Sans baisser les yeux, il reprit une bouchée du lièvre qu'il mâcha plus lentement, légèrement pensif. Sa tête se releva, et tout en laissant la viande fondre sur sa langue, il contempla le paysage alentours.
La neige immaculée, lisse et parfaite, recouvrant partiellement un horizon de pics déchirés partant à l'assaut du ciel... Plus bleu que bleu, plus pâle que pâle, plus pur que pur. Les montagnes du Nord, si elles n'avaient pas un climat particulièrement plaisant, s'étaient au moins payés le luxe d'être élégantes.
Tout à coup, ses longues oreilles pivotèrent brusquement en réaction au bruit feutré qui passa derrière lui; son corps ne bougea pas, bien que le moindre de ses muscles se fût tendu — juste au cas où.
Immobile comme une statue, il reconnut Moon sans peine, et la suivit de son regard turquoise dès que celle-ci arriva à sa hauteur en trottinant, avant qu'elle ne le dépasse et ne se laisse glisser sur la fin de la pente. Intrigué, le grand mâle sombre se lécha les babines pour en effacer d'éventuelles traces de sang et, décidément très intéressé, tendit légèrement le cou pour mieux voir de quelle façon elle s'y prenait. Voilà qui avait l'air amusant.
Sans bouger d'une once, il observa tranquillement sa colocataire marcher vers lui, le lièvre toujours à ses pattes. Cette dernière l'interpella.

- Encore toi, à ce que je vois tu arrives à tirer profit de la situation.

Encore lui, oui. Il n'y pouvait pas grand chose. Jaa se contint, ne relevant pas la remarque discourtoise de la demoiselle. D'un coup de dents, le lièvre fut entre ses mâchoires; il s'ébroua gracieusement et, en trois bonds, sauta de son roc puis atterrit souplement devant la femelle. Le noble déchu lâcha la proie en se réceptionnant, qui chuta sans un bruit dans la poudreuse. Certes, l'avant de la petite bête avait clairement été dévoré, mais l'arrière train et les cuisses avaient toujours une allure alléchante.
Un sourire tranquille, légèrement amusé, passa sur son visage.

- Malgré tout mon respect à ton égard, j'oserai te faire remarquer que ta meute tire profit de moi, contre mon gré, dans une situation qui ne me concerne pas. rétorqua-t-il dans un petit rire franc. D'un petit geste du museau, il lui proposa le demi-lièvre.
- Tu as faim?
Il ajouta très sérieusement :
- À condition, évidemment, que tu m'apprennes à glisser sur les pentes comme tu l'as fait tout à l'heure.
Jaa aimait le jeu; peut-être était-ce une part d'enfance restée en lui? Toujours était-il qu'elle ne ressortait pas très souvent, cette facette, et pas avec n'importe qui. En tout cas, le grand mâle noir et turquoise comptait bien réussir à dévaler cette pente, sans marcher ni courir.

Invité

Après ma remarque, Jaa se releva et descendit de son rocher. Je constatais qu'il avait toujours l'air noble, classe. Peut-être qu'il venait d'un endroit où sa famille était haut placée, et il l'avait fuit car ses plans n'étaient pas les même que ceux de sa famille ? Peut-être était-il promis à une louve qui ne lui convenait pas et qu'il avait préféré fuir plutôt que de rester avec elle ? Si il y avait une meute au sud, bien plus ancienne que les siblings dont ils ignoraient l'existence jusqu'à récemment, il pouvait très bien y avoir une autre meute sur l'île. Une meute de loups fins et reptiliens comme Jaa. c'était étrange à imaginer pour moi, une meute de loups partageant des caractéristiques reptiliennes dont on ignorait l'existence. Après tout, tant qu'ils ne nous déclaraient pas la guerre à leur tour, cela importait peu. Et le passé d'un loup ne m'intéressait honnêtement pas vraiment, ce qui compte, c'est surtout ce qu'il est.Et dans la mesure où je suis en partie responsable de la mort de mon père si ce n'est totalement, ca ne fait pas de moi un monstre pour autant. J'espère ? Il nous a fait vivre l'enfer avec Ayse, et finalement, même si ça n'était pas forcément la bonne manière de tout arrêter, maintenant tout était fini. Certes Ayse était morte, je n'ai plus de famille, mais j'ai une meute. C'est comme ma deuxième famille.

Jaa répondit à ma remarque. Avec le recul, il aurait pu mal le prendre. La meute l'avait réquisitionné et il n'avait pas eu d'autre choix que de venir se battre avec nous et pour nous. C'est ce qu'il me fit à juste titre remarquer : "Malgré tout mon respect à ton égard, j'oserai te faire remarquer que ta meute tire profit de moi, contre mon gré, dans une situation qui ne me concerne pas". Il n'avait pas tort dans ses propos. mais au fond, rien ne l'obligeait à prendre part aux combats, il n'aurait qu'à se cacher ou déserter. il était solitaire de toute façon, il ne craindrait pas les représailles de la meute pour avoir fui.

Il avait laissé tomber son lièvre et m'en proposa, me demandant si j'avais faim. L'offré était alléchante, seulement il ajouta "À condition, évidemment, que tu m'apprennes à glisser sur les pentes comme tu l'as fait tout à l'heure.". Il ne savait pas glisser dans la neige ? Tous les louveteaux ou presque le savaient, dès qu'il neigeait un peu au camp ils courraient pour prendre de l'élan et glisser sur la neige ou les plaques de givre.
Je suppose que si je devais seulement lui montrer ça, ça serait facile.

- D'accord. Ca m'étonne un peu que tu ne sache pas, la plupart des louveteaux le font, mais ce n'est pas très compliqué.

Je lui sourit un peu, avant de prendre la moitié de lièvre sur le sol dans la gueule. Maintenant, il serait à moi? J'avais la facheuse manie de m'emparer de tout ce que Jaa avait, décidément. Je me suis retournée avant de m'avancer vers la pente derrière lui.

- Tu viens ? On va monter un peu et je te montrerais comment faire.

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